Tout est si fragile.

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" [...] Ne cherche pas à me retrouver, adieu."

Ses mots m’ont glacé le sang. S est arrivée ce matin en pleurs, dans l’incapacité de produire le moindre son. Elle nous a tendu directement cette lettre, que nous avons lu d’une traite, complètement stupéfait. C’était impossible.
Il est parti avant l’aube, avant qu’elle ne se réveille. C’est en partant travailler qu’elle est tombée sur sa lettre d’adieu.
Ses mots étaient durs et concis, comme si il était pressé par le temps.

M est partie l’accompagner au commissariat, car elle était dans l’incapacité totale de conduire tandis que P, le regard livide, a pris la voiture pour faire le tour de la ville, à sa recherche.

Tout s’est passé très vite et en une fraction de seconde je me suis retrouvée seule, à garder le magasin, sans vraiment accuser le coup.
C’est dans le silence que mes vieux démons ont eu raison de moi, d’un seul coup je me suis mise à revivre ce moment, cet instant où nous dessinions, tout sourire, et que le lendemain tu n’étais plus là.

Je crois que je me souviendrai toute ma vie du visage de S, cette inquiétude mêlée à une touche de folie et de désarroi, dans le K.O le plus total. Je sais ce que tu ressens.
C’est sans aucun doute la plus grande souffrance de mon père aussi.

À cette heure-ci toujours aucune nouvelle, si ce n’est qu’un détail sombre vient alourdir ce drame : il a pris son arme.

Depuis ce matin je ne cesse d’y penser, la vie entière une femme vient de basculer complètement, alors qu’elle s’était réveillée normalement, pour vivre une journée banale.

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