Tout est si fragile.

Cri.

"Panique."

Cet instant où tu as du mal à croire ce qu’il se trouve devant tes yeux. Ces dernières 24h me firent l’effet d’une énorme baffe en pleine figure.
J’ai eu cette envie d’écrire dans l’immédiat, mais je ne le fais que maintenant. Je ne réalise que maintenant.

Pourtant la journée d’hier avait tout ce qu’il y a de plus banale. Une matinée tranquille, un repas paisible, puis le retour chez lui, comme il était prévu dans l’après midi. J’ignore pourquoi, mais dans le bus nous avons commencé à parler de cet "après" des croyances que chaque homme imaginait après la mort. Nos points de vues étaient différents, mais là n’est pas la question.
Paradoxe.
Face à la porte j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Des affaires étaient sur le seuil, chose qui n’arrive jamais. La porte était ouverte.
Silence.
Je le laisse entrer en premier, comme je le fais d’habitude. Puis je lance un bonjour de politesse, comme d’habitude.
Pas de réponse.
Cet à cet instant précis qu’il lâcha toutes les affaires, qu’il me plaqua contre le mur, et me fit détourner le regard. "Ne regarde pas". Sa voix était fébrile, friable. Il entra dans le salon assez rapidement.
L’espace d’une seconde je ne me suis pas retournée. Puis finalement…
Je vis ce corps, son corps. Étendu sur le sol. Raide. Face contre terre. Instant tragique où tu réalises que ta vie ne tient finalement qu’à un fil.
Il le secoua dans tous les sens, comme pour le réveiller. Dis moi qu’il respire ! Je t’en supplie !
Cette raideur. Ce froid. Il ne le toucha pas bien longtemps. C’était trop difficile à voir, à supporter. Les larmes me montèrent d’un coup. Il attrapa le téléphone, me fit sortir de la pièce.
Sur le coup les jambes me lâchèrent, je me suis effondrée à même le sol. Respirer était un combat. L’incompréhension, la sensation d’avoir manqué quelque chose, tant de questions et d’interrogations me gagnèrent. En fond, je l’entendais parler aux urgences, quelques vagues mots comme : Il ne bouge plus. Non, il est froid. Il ne respire plus. Il est mort.
Le mot "mort" me donna un frisson. Cette image restera à jamais gravée. Même encore maintenant j’ai du mal à le croire. Tout s’est passé tellement vite.
Un amas de policiers et d’infirmiers arrivèrent, les pompes funèbres également. Jamais je n’avais trouvé le temps aussi long. Jamais.
Ils nous posèrent un milliard de questions, toutes plus lourdes et plus tristes les unes que les autres. Je voyais dans son regard que quelque chose s’était brisé, qu’il ne serait plus jamais le même. Cet homme n’était pas un inconnu, cet homme était son père. Je n’ai cessé de le serrer contre moi. Malgré cette absence de mot, j’avais ce pressentiment que le monde s’était effondré autours de lui, ce mutisme m’a réellement fait peur. Il est resté de marbre du début jusqu’à la fin.

Lorsque je ferme les yeux je revois encore son corps. La nuit fut réellement difficile, je peux vous l’assurer.

Dans l’après midi, le téléphone sonna. C’était sa sœur.
"Comment ça va ? Tu peux me passer mon père je voudrais lui parler ?"
J’étais en larme. Je n’arrivais pas à parler. Le corps était encore dans la pièce d’à côté, entre les mains des infirmiers. Les seuls mots qui me sont venus furent ridicules, je m’en rends compte à présent. "Je ne peux pas te le passer. Je ne sais pas comment t’annoncer cela mais… Ton père vient de décéder."
Ce fut le cri de douleur le plus monstrueux que j’ai pu entendre. En écrivant ces lignes, je ne peux m’empêcher d’avoir la chair de poule. Ce cri… Si vous l’aviez entendu…
Je pensais qu’il l’avait appelé au commissariat pour la prévenir, mais apparemment non. Lui annoncer cela fut la chose la plus difficile à dire de toute mon existence.
Je me suis mise à sa place. Je me suis dis que cela aurait pu être elle qui m’annonçait la mort de mon propre père.

Ce fut brutal.
Cette seconde nuit risque d’être difficile aussi.

Inimaginable.